Organisation de manifestations sur le domaine public : quel impact sur les forces de police ?

Résumé de la conférence de Madame Carole-Anne Kast
Conseillère d’État chargée du département des institutions et du numérique (DNI)
Forum de l’Hôtel Crowne Plaza, Tribune du MCEI
Genève le 20 février 2025

Le DNI englobe le corps de police mais aussi l’office cantonal de la détention, la protection de la population et les affaires militaires, l’office de la population et des migrations et enfin l’office des systèmes d’information et du numérique. Globalement cela représente 8% de l’ensemble du projet de budget cantonal pour 202, plus de 4 000 employés (dont plus de la moitié à la Police) avec 16 chiens opérationnels et 4 en formation. Il couvre 45 communes, possède 9 bateaux et 4 chevaux franc-montagnards. Au niveau informatique, on dénombre plus de 830 applications numériques (professionnelles et e-démarches), 700 sites, 6 500 serveurs informatiques ainsi que 6 700 bases de données. Une manifestation est définie comme un rassemblement, cortège, défilé ou autre réunion sur le domaine public. Pour cela il faut une autorisation du DIN. Aux nombreux événements d’envergure, comme la Lake Parade, le Tour de Romandie et les diverses fêtes autour de la rade, s’ajoutent toutes les manifestations à caractère politique. Il y en a eu 15 sur les 2 rives en 2024 (Ukraine, 1er mai, logement, LGBT, lutte contre le SIDA, etc.) et les rassemblements récurrents sur la Place des Nations. On compte aussi environ 80 autorisations pour des matchs de foot et de hockey «à risque» pour des possibles faits de hooliganisme. Cela mobilise entre 130 et 200 policiers par match.

Pour cette année, les principaux événements prévus sont le championnat suisse de marathon début mai, la marche des fiertés en juin, l’euro-foot féminin en juillet et le grand prix de la voile en septembre. Ces dernières années on observe un nombre de préavis plutôt stable mais une hausse du dispositif policier nécessaire. Le service de renseignement de la Confédération estime que le risque d’attentats s’est accentué en Suisse et la protection des missions et sites diplomatiques engendre 600 heures d’activités par mois dont 150 plantons fixes et 550 patrouilles de police. Pour disposer du personnel en suffisance il faut engager des collaborateurs en repos et recourir à des mesures organisationnelles contraignantes. Cela engendre un état de fatigue important du personnel de la police. Sans oublier l’impact financier avec 100 000 heures de mobilisation annuelles en moyenne et une majoration d’heures supplémentaires
On constate un manque de policiers près de la moitié du temps (43%) avec des moments critiques les nuits, les week-ends et pendant les vacances d’été et de fin d’année. L’ampleur des événements a entraîné un état de fatigue important du personnel de la police dont il faut tenir compte. 

Le manque d’effectifs est lié aux absences (congés, reprises et maladies) notamment en juillet et en août. Or une capacité opérationnelle de la police cantonale est aussi nécessaire sur le plan de la Genève internationale, alors que subsistent des menaces de coupe du financement fédéral de la Brigade de sécurité diplomatique. La Police cantonale continuera à assurer les tâches qui ne peuvent pas être déléguées et relèvent ainsi de sa seule compétence lors de toutes les prochaines manifestations. Mais face à la multiplication de gros événements dans l’espace public, il faut préserver la capacité opérationnelle de la police et changer les pratiques. Pour cela, la prise en charge de certaines tâches pourra être exercée par d’autres professionnels. La gestion de la fermeture du trafic routier, la sécurisation des accès, des postes sanitaires sont des tâches qui ne doivent plus être assurées par la police. 

Il n’est pas question d’interdire les manifestations ou animations culturelles ou sportives. Mais des négociations se font régulièrement avec les organisateurs afin de permettre une certaine cohabitation et de tenir compte des ressources disponibles. Plus fondamentalement, la police n’a pas pour vocation d’assurer la sécurité des manifestations privées. C’est parfaitement admis lors de chantiers où la circulation est de plus en plus garantie par des agents privés. La police cantonale continuera à assurer les tâches qui ne peuvent pas être déléguées, mais elle ne doit plus faire le reste à la place des organisateurs. Il est essentiel d’informer et de sensibiliser tous les organisateurs de manifestation, que ce soient des acteurs publics ou privés, sur ces enjeux.

Résumé : Luigino Canal