La pandémie mondiale a eu un effet dévastateur sur l’activité de l’aéroport de Genève. En février 2020, alors que nous entamions les festivités de notre 100e anniversaire, le Conseil fédéral a annoncé d’abord l’interdiction des grandes manifestations puis un semi-confinement. Le ciel nous est tombé d’un coup sur la tête. Cointrin s’est retrouvé au cœur d’une tempête médiatique car avec l’afflux de voyageurs qui souhaitaient quitter le pays dans l’urgence, près de 60 000 personnes par jour, il était impossible de faire respecter les distances sociales. L’aéroport a été montré du doigt alors qu’il nous était impossible de réagir en si peu de temps. Nous nous sommes adaptés dans l’urgence en réorganisant tout notre fonctionnement. En 2020, le trafic s’est effondré et les recettes ont chuté car 85% de nos revenus proviennent des passagers. L’aéroport a enregistré une perte de 129 millions l’an dernier contre un bénéfice de 84 millions en 2019. D’ailleurs la moitié de ce bénéfice est versée au canton.
L’aéroport a été plongé dans une sorte d’hibernation jusqu’en juin. Le trafic a repris avant de retomber avec l’apparition des nouvelles restrictions puis du variant anglais. En 2020, les passagers ont chuté de 69%, soit 5,6 millions contre 17,9 millions en 2019. Et la baisse se poursuit cette année.
Nous avons donc dû prendre en urgence diverses décisions, comme le gel des embauches et le non-remplacement des départs volontaires, le chômage partiel, le non-renouvellement des contrats à durée déterminée, l’encouragement à la retraite anticipée ou encore la suppression de l’annuité 2021. Mais, à ce jour, il n’y a pas de plan de licenciements. Au total, Genève Aéroport est parvenu à réduire ses coûts en 2020 (charges de personnel et charges d’exploitation) de 22% par rapport à 2019. À cela s’ajoute une réduction des dépenses d’investissements de 113 millions pour les années 2020 et 2021 et de 199 millions pour les années 2022 à 2024. Seuls les projets essentiels au bon fonctionnement de l’aéroport seront maintenus pour ces prochaines années. Comme nous n’avons plus de revenus, nous devons trouver des solutions de financement, comme de nouvelles lignes de crédits, un appel au marché obligataire ou, en dernier recours, un prêt de l’État.
Avant la crise, Genève Aéroport c’était 57 compagnies aériennes avec 149 destinations dans le monde, 494 millions de chiffre d’affaires. Le site regroupait 200 sociétés avec 10 000 collaborateurs. On estime sa contribution économique à 4,1 milliards pour toute la région. Pour l’avenir, un retour aux résultats de 2019 n’est pas prévu avant au moins trois ans. La reprise sera vive mais la date du redémarrage est impossible à prévoir. Pour soutenir un retour des passagers, un nouveau centre de tests (tests PCR et tests rapides) va ouvrir la semaine prochaine au Terminal 2 de l’Aéroport, une solution facilitée pour tous les habitants de la rive droite mais aussi pour les voyageurs devant bénéficier de résultats très peu de temps avant de partir.
Un retour à la situation de 2019 dépendra aussi du contexte politique. Il faut éviter des décisions inopportunes, avec par exemple, une fermeture anticipée de l’aéroport à 22 heures ou une forte augmentation de la taxe pour les passagers. Certaines compagnies pourraient quitter la Suisse pour des raisons fiscales. L’endettement de tous les acteurs de la plateforme a explosé en 2020 et de nombreuses entreprises sont menacées dans leur existence alors que de nouveaux lobbies puissants, professionnels et bien organisés s’attaquent à l’aéroport.
Pour assurer l’avenir, on peut se demander si une réforme de la gouvernance ne serait pas bénéfique. La loi sur l’organisation des institutions de droit public est-elle adaptée à la gestion d’un aéroport international ? La mise en place d’une coordination romande ne serait-elle pas opportune ? Alors que de nombreux aéroports européens se privatisent, Genève Aéroport doit-il rester une institution publique pour l’éternité ?
Résumé Luigino Canal