Résumé de la conférence de Monsieur Christophe Dubi
Directeur exécutif des Jeux Olympiques
Forum de l’Hôtel Intercontinental, Tribune du MCEI
Genève le 19 septembre 2024
Mon poste de directeur exécutif consiste à superviser la gestion et la coordination de tous les aspects des Jeux Olympiques (JO), du début de chaque phase de candidature jusqu’à la dissolution du comité d’organisation. Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ayant définitivement baissé le rideau, l’heure est au bilan de cette grande fête du sport qui a émerveillé le monde entier. Force est de constater que les oiseaux de mauvais augure et les grincheux se sont trompés. Pas prêt à temps, sécurité défaillante, embouteillages, dysfonctionnements à l’accueil du public et au village olympique, tribunes vides, etc. Toutes ces prévisions négatives n’ont pas eu lieu. Mieux, les JO ont été un formidable succès. Ils ont magnifié la ville et les exploits des athlètes grâce à la ferveur des spectateurs. Les dieux du stade étaient au rendez-vous, acceptant leurs différences ou leur handicap. Les Jeux de Paris ont été ceux qui ont vendu le plus de billets dans l’histoire, avec 9,7 millions de tickets, dont 3 millions auprès d’acheteurs étrangers, plus 2 millions de billets pour les Jeux paralympiques. Bref, ces JO ont été une réussite totale, car le sport, contrairement à la politique, rassemble les gens. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons admis les athlètes russes. Si on exclut une nation, le sport perd son atout qui est de réunir les populations. Ce qui est important pour nous, c’est d’éviter le syndrome de l’ostracisme dont les athlètes russes ont été victimes sur certains événements, par exemple à Wimbledon. En 2023, c’est le gouvernement anglais qui décide que les Russes ne peuvent pas jouer à Wimbledon. Si on accepte cela, le sport qui par définition est rassembleur ne joue plus son rôle. Et dans ce cas on a perdu car pour n’importe quelle manifestation on risque d’avoir un choix politique. On ne peut pas accepter des athlètes qui soutiennent la guerre ou qui sont affiliés à des clubs de l’armée, en revanche, les JO doivent rester le plus ouverts possible. Et on va plus loin dans le cadre olympique puisqu’on avait aux JO de Paris une équipe de 33 réfugiés.
Mais cette réussite ne doit rien au hasard. Il y a dix ans, le CIO a réfléchi à comment donner un nouvel élan aux JO afin qu’ils continuent de mobiliser le pays hôte et l’ensemble de la communauté internationale. On a changé profondément la manière de faire pour être plus souple, avec un événement qui s’adapte à son environnement, à son contexte. Une fête ouverte, transparente et qui a l’obligation de laisser un impact positif. C’est un travail sur la durée qui implique un partenariat fort avec les autorités, les syndicats et les forces de sécurité. Un véritable défi qui couvre tous les domaines de la société, de la politique, de la technologie et de la finance. Ce sont des jeux monumentaux qui reflètent dix ans de travail en profondeur. In fine, le marqueur reste le sport, en revanche, la façon de concevoir, de livrer et d’assurer la pérennité de l’événement est nouvelle.
Le comité d’organisation avait des ambitions environnementales fortes, notamment en voulant diviser par deux les émissions carbones de l’événement par rapport à la moyenne des éditions de Londres 2012 et Rio 2016. Ce n’est pas simplement une prise de conscience mais une nécessité pour les JO de tracer la voie pour tous les autres événements. Le CIO a choisi des projets, Paris et Los Angeles pour 2028, avec de nombreuses infrastructures déjà disponibles. Et les investissements supplémentaires nécessaires ont bénéficié à la communauté. Les nouvelles constructions, financées 50-50 via un partenariat public-privé, doivent être durables. L’événement doit être pérenne.
Les JO de Paris 2024 ont concentré 41 sports avec quelque 300 compétitions pour un investissement total de 4,5 milliards d’euros. Les JO attirent les grandes sociétés, qui y voient une grande opportunité de présenter leur marque. Le budget est couvert par les sponsors, les billets et les droits médias. Mais les retombées sont énormes, non seulement en termes d’image mais aussi au niveau social. Les JO ont créé de l’emploi, mais aussi changer positivement le quotidien de la population. Le village olympique a été construit dans une zone qui était délaissée.
Les JO paralympiques sont organisés quelques semaines plus tard car il serait impossible de faire les deux événements en même temps. En plus, ils bénéficient de l’engouement du public qui veut prolonger la fête. D’ailleurs les billets pour cette seconde manifestation se vendent dès la fin de la première.
Pour la Suisse, il y a une fenêtre pour organiser les JO d’hiver en 2038. Mais il va falloir que les cantons, la population et les politiques s’impliquent à fond dans ce projet. Malgré de gros atouts, notamment au niveau des infrastructures et de la capacité hôtelière, depuis l’échec de la candidature de Sion, la Suisse a subi plusieurs revers. Ceci est en partie dû au fédéralisme et à la possibilité d’un référendum. En 2019, le pied de nez que l’on fait à Sion a laissé une grande blessure. Turin l’a emporté face à Sion, alors que son dossier était mal ficelé. Mais la ville a bénéficié de l’immense soutient et du charisme exceptionnel de Giovanni Agnelli, le patron de Fiat. Ce choix n’a pas encore été vraiment accepté au niveau Suisse, notamment à Berne. Cette décision a été une erreur monumentale de la part du CIO car on ne peut pas traiter ainsi un pays qui nous accueille. Les JO c’est un projet positif. C’est faire ou ne pas faire. Ce n’est pas un choix politique. Ce n’est pas un choix de société. En cas de référendum s’il faut choisir de faire ou non, le risque de perdre est important. Pour convaincre les différents cantons qui seront impliqués pour 2038, il faut un soutien global, y compris au niveau fédéral.
(Résumé Luigino Canal)