Relations européennes et les bilatérales

«Relations européennes et les bilatérales»
Résumé de la conférence de Monsieur Arnaud Bürgin, Directeur général de la FER, Genève
Fédération des entreprises romandes
Genève le 16 octobre 2025

Les bilatérales III c’est un gros document de plusieurs milliers de pages. Il faut donc aller à l’essentiel. Ces accords entre la Suisse et l’Union Européenne (UE) sont à mettre en perspective avec les droits de douane de 39% imposés à la Suisse par les États-Unis. Les États-Unis, c’est 67 milliards d’exportations, c’est 5 fois moins que l’UE qui représente 302 milliards d’exportations pour la Suisse. C’est-à-dire à quel point notre économie est dépendante de ces relations. L’historique des accords bilatéraux débute en 1999 avec des traités qui sont entrés en vigueur en 2002 et qui concernent la libre circulation des personnes, les entraves techniques au commerce, le transport terrestre et aérien, les marchés publics, l’agriculture et la recherche. Ils ont été complétés en 2004 par les accords Schengen-Dublin qui sont principalement liés à une coopération policière, mais servent aussi à faciliter les passages des frontières entre la Suisse et l’UE. Aujourd’hui les discussions portent sur les bilatérales III sur lesquelles nous voterons probablement en 2028, après les élections fédérales de 2027. Mais, si l’initiative pour une Suisse à maximum 10 millions d’habitants, qui sera soumise au vote en 2026, est acceptée cela pourrait mettre en péril ces nouveaux accords.

Ce parquet se résume en 4 objectifs majeurs. Le premier c’est d’assurer une continuité dans la voie bilatérale qui a été choisie par la Suisse dans ses relations avec l’UE. Ensuite, permettre à nos entreprises d’avoir un accès sans entraves aux marchés européens. Cela représente 450 millions de consommateurs. Le troisième objectif est politique : avoir des relations stables avec nos voisins et partenaires. Enfin, il s’agit d’éviter le statu quo. Si on ne fait rien, avec le temps notre accès à l’UE va se restreindre.

Cette voie bilatérale III représente 140 traités mais seulement quelques-uns sont sujets de discussions en Suisse. Il s’agit essentiellement d’éléments institutionnels. Ces derniers assurent que, dans le marché intérieur commun, les mêmes règles s’appliquent à l’ensemble des participants. Ces points sont réglés séparément dans chaque accord relatif au marché intérieur. Ils portent sur la reprise dynamique du droit, l’interprétation homogène des accords et leur surveillance et le règlement des différends.

La reprise du droit européen n’est pas automatique, mais dynamique. Elle ne concerne que les accords d’accès au marché européen, avec d’importantes exceptions et sous réserve de l’accord des autorités fédérales, voire du peuple en cas de référendum. En cas de refus de la Suisse, l’UE pourra prendre des mesures compensatoires, mais elles devront être proportionnées et limitées à l’accord concerné ou à un autre accord relatif au marché. Pour rappel : la reprise dynamique figure déjà dans l’accord sur le transport aérien (2002) et dans Schengen / Dublin (2008) et n’a jamais posé de problème. Fait nouveau, la Suisse sera consultée systématiquement, à l’instar des États membres de l’UE, lors de l’élaboration et du développement de législations la concernant. Donc Berne gagne en influence et il n’y a pas de reprise dynamique du droit avant la fin de la procédure d’approbation interne.

Une question qui fait débat touche au fait de savoir si la Suisse sera soumise à la Cour de justice de l’UE. Il est dans l’intérêt de la Suisse d’avoir une procédure juridique de règlement des différends. Elle lui permet de faire valoir ses droits de manière efficace. C’est un tribunal arbitral paritaire qui statue sur le fond mais celui-ci ne consultera la Cour de justice de l’UE que s’il s’agit d’interpréter le droit de l’UE, et uniquement si nécessaire. La CJUE ne statue jamais sur un litige. Enfin, les mesures «punitive» imposées arbitrairement par l’UE ne sont plus possibles.

L’actualisation régulière des accords relatifs au marché intérieur permet de sécuriser la participation de la Suisse. Elle instaure une sécurité juridique et des règles identiques pour l’ensemble des parties. L’approche choisie permet de tenir compte des spécificités de chaque accord et de trouver des solutions sur mesure car la Suisse pourra participer à l’élaboration des actes juridiques de l’UE.

La Suisse poursuit deux objectifs. D’abord maintenir le niveau de protection actuel des conditions salariales et de travail des employés détachés. Puis éviter que les entreprises soient exposées à une concurrence déloyale. Les négociateurs ont obtenu la garantie que le niveau de protection actuel ne peut être affaibli. Les partenaires sociaux ont abouti à une entente avec des propositions de mesures visant à garantir la protection des salaires. Berne pourra décider seule d’engager la procédure d’activation de la clause de sauvegarde pour limiter l’immigration en provenance de l’UE /AELE en cas de graves problèmes sociaux ou économiques. Les conditions et les mesures seront définies par la Suisse et ancrées dans la loi.

La voie bilatérale est un choix suisse ! C’est une alternative à une adhésion à l’UE ou à l’EEE et à l’isolement. Un accord de libre-échange n’offrirait pas les mêmes avantages. Elle nous permet de participer de manière sectorielle au marché intérieur et de développer des collaborations dans des domaines spécifiques de notre choix, tout en préservant notre indépendance, notre démocratie directe et notre fédéralisme. Finalement, il n’existe pas d’alternative équivalente à la voie bilatérale III, les opposants n’ont pas de plan B convaincant.

(Résumé Luigino Canal)