Expertise de la reconstruction bois de la Cathédrale Notre-Dame de Paris, ses enjeux et sa Géométrie Sacrée.

Résumé de la conférence de Monsieur Thomas Büchi
Président du groupe Charpente-Concept
Forum de l’Hôtel Crowne Plaza, Tribune du MCEI
Genève le 18 septembre 2025

Le groupe Charpente-Concept a eu l’honneur d’être choisi comme expert pour la reconstruction de la «forêt», cette immense charpente en bois soutenant la nef de Notre-Dame de Paris, après l’incendie du 15 avril 2019. Ce fut une aventure assez folle. Mais d’abord une précision, architecturalement il est incorrect de parler d’une cathédrale gothique. Il s’agit d’art ogival car on observe des croisées d’ogives qui donnent la forme si particulière de ses fenêtres avec ses vitraux, cet art à la géométrie particulière nous vient d’Orient.

Pour un maître charpentier la charpente de Notre-Dame représente l’un des plus grands chefs-d’œuvre réalisés par les compagnons charpentiers du devoir. C’est un mythe, elle est tellement complexe qu’elle a stupéfié tout le Moyen Âge. J’ai eu la chance de la visiter dans les années 80 et c’est ce qui a déclenché mon amour du bois et la passion que j’ai pour mon métier. La première pierre est posée en 1163. Suivront le chœur, le double déambulatoire, la galerie haute, les tours et la flèche jusqu’en 1250.

Mais d’abord, il a fallu 50 ans pour préparer le bois. On commence à couper les arbres, environ 1500, autour de l’an 1200. On les coupe et on les couche pendant un an, la tête tournée vers le nord pour qu’ils soient alignés avec les énergies de la terre. Puis on va les écorcer et les immerger dans un marécage pendant 25 ans. Cela préserve le bois des champignons et des insectes. En 1225, on va les ressortir de l’eau, puis scier les troncs en poutres et les laisser sécher pendant 25 ans. Au vu de la durée de vie moyenne de l’époque, cela veut dire que ceux qui ont coupé les arbres n’ont pour la plupart jamais vu la charpente.

Le nombre d’Or et la géométrie sacrée dans l’architecture des cathédrales médiévales jouent un rôle central. La géométrie de Notre-Dame est basée sur les connaissances remontant aux Égyptiens et aux Grecs. La toiture à la même pente que la pyramide de Chéops au nombre d’Or, soit 51,83 degrés. C’est cette géométrie particulière, qui, lorsque vous rentrez dans la cathédrale, donne ce sentiment d’élévation.

Plusieurs restaurations ont eu lieu au cours des siècles, notamment le démontage de la flèche dès 1786 car elle risquait de s’effondrer. La Révolution française a laissé la cathédrale en ruine. Sous le patronage de Prosper Mérimée (à l’époque inspecteur des monuments historiques), on décide de refaire la flèche au milieu du XIXe siècle. Au côté de l’architecte, Eugène Viollet-Le-Duc, il y avait un personnage crucial qu’on a un peu oublié, Henri Georges, un compagnon charpentier du devoir. Il maîtrisait comme personne l’art de la géométrie opérative. Il avait un très beau nom de compagnon, « Angevin, l’Enfant du Génie ».

La flèche sera reconstruite à partir de 1860 selon un nouveau plan. Elle est haute de 93 mètres. Les dimensions de la cathédrale sont imposantes : 128 mètres de long pour 43,5 mètres de large. Avec une superficie totale de 5500 m2 elle peut accueillir jusqu’à 9000 personnes.

En 2019 l’incendie ravage la charpente, la toiture, une partie de la voûte et bien sûr la flèche. C’est la couverture en plomb qui a provoqué l’incendie. Il fond autour des 330 degrés qui est aussi la température d’inflammabilité du bois. Heureusement la décision a été prise de quand même reconstruire en bois, un matériau qui ne conduit pas les champs électriques et électromagnétiques, et dans sa géométrie initiale pour ne pas dérégler ce merveilleux dispositif sacré. L’harmonie du lieu a ainsi été préservée. La quantité de chênes disponible en France est largement suffisante même si on ne pourra jamais préparer le bois comme il a été préparé en 1200. Mais la technologie d’aujourd’hui permet d’aller plus vite.

Charpente-Concept a rédigé un rapport d’expertise pour définir comment exploiter le bois efficacement, combien de chênes il faudrait, est-ce qu’on doit les sécher, à quelle époque il faut les couper, etc. Notre seconde mission a été de déterminer comment reconstruire à l’identique, notamment tous ces assemblages. Nous avons dû défendre notre position via des séances de visioconférences car nous étions en plein Covid. Pour réaliser notre expertise nous avions à disposition un dossier historique de 2500 pages qui retrace toute l’histoire de la cathédrale. Presque toutes nos recommandations ont été suivies sauf celles d’éviter de remettre du plomb, au lieu du cuivre, et de faire sécher le bois. Cela nécessitera un suivi régulier pour vérifier comme résiste la charpente face aux attaques extérieures. Même si la cathédrale est aujourd’hui ouverte au public, le chantier n’est pas terminé. Il y aura encore des travaux pour au moins 30 ans. Il y a des ouvriers qui passent leur vie à rénover une cathédrale. C’est, par exemple, le cas des couvreurs ou des ferblantiers.

(Résumé Luigino Canal)