Résumé de la conférence de Messieurs Aeschbach et Paul Charmillot Forum de l’Hôtel Métropole, Tribune du MCEI Genève le 7 juin 2018

Les patrons genevois face aux géants du web

Sébastien Aeschbach est à l’origine de la mue numérique de l’entreprise genevoise de chaussures Aeschbach, fondée en 1904, qui compte 200 employés. Paul Charmillot a créé en 2016 MagicTomato.ch, qui permet à l’acheteur de recevoir le jour même ses courses fraîchement préparées par des artisans locaux. Le World Economic Forum estime qu’environ 40% des achats s’effectueront sur Internet en 2030. Selon une étude du Credit Suisse, les ventes en ligne vont croître régulièrement ces prochaines années. Pour le commerce de détail, la part d’Internet devrait augmenter d’environ 6% actuellement à 12 % en 2022.

Aeschbach

En 2008, la société avait la certitude que les gens n’achèteraient jamais de souliers sur Internet notamment car les clients souhaitent essayer les chaussures. Depuis, elle a rangé ses certitudes. La révolution est venue avec l’Internet mobile et l’arrivée, en 2007, de l’iPhone. Déjà en 2010, 77% des ménages suisses sont connectés à Internet et 2,8 millions de personnes ont effectué une commande au cours du premier trimestre. Désormais il faut s’adapter à la digitalisation de l’économie. Aeschbach a entamé sa mue numérique en 2011, année du lancement de son premier site de vente en ligne. C’est plutôt un échec, le site est notamment trop lent. Trois ans plus tard, elle met la main sur Koala.ch. La raison première de ce rachat était d’acquérir l’expertise online de cette société pour l’intégrer dans les processus d’Aeschbach. L’entreprise offre la livraison ainsi que l’éventuel retour de la marchandise, elle propose aussi la réservation en ligne et l’achat en magasin. Les deux sites, Aeschbach et Koala, sont complémentaires. Le premier réalise 80% de son chiffre d’affaires en Suisse romande, alors que le second est surtout utilisé par la Suisse alémanique.

Aujourd’hui, la société réalise environ 10% de son chiffre d’affaires en ligne. Et cette part augmente de manière constante. Le principal concurrent du chausseur genevois s’appelle Zalando, une multinationale allemande très présente sur le marché suisse. Les deux dernières années ont été difficiles pour le commerce de détail mais le franc fort n’est pas la cause de tous les maux. Les habitudes de consommation ont changé. Il faut se rendre compte que le client fonctionne différemment et s’adapter à cette nouvelle culture.

La frontière entre le «online» et le magasin s’estompe. Il faut désormais être présents sur tous les canaux, magasins et Internet, pour satisfaire le client dans tous les cas. Face aux mastodontes du Web, une petite société doit être très agile. Ainsi Aeschbach a créé des postes de vendeurs Instagramer (le réseau social No 1 du partage de photos) dans ses magasins. L’idée est de créer des contenus maison plutôt que d’externaliser car les vendeurs sont les plus à même de parler des nouveaux produits en rayon. Près de 75% du budget marketing de la société est désormais dédié au digital. Ces bouleversements ont des répercussions directes sur le personnel en magasin. La formation continue est devenue de facto l’un des gros enjeux de la digitalisation. Les magasins physiques possèdent de nombreux atouts qui les différencient des plates-formes d’e-commerce: l’accueil, le conseil et l’expertise. La chaîne de livraison se digitalise, pas le produit. Pour l’obtenir rapidement, il faut se rendre dans un magasin, là où l’on peut l’essayer.

MagicTomato.ch

À Genève, en matière de commerce de détail, la success story du moment s’appelle MagicTomato.ch. Créée en septembre 2016, la société propose des produits frais d’artisans locaux livrés au domicile le jour de la commande passée en ligne. La société a débuté avec une feuille blanche pour définir ce que demande le marché. Mon produit ou service répond-il à un besoin réel ?

Le concept est né du fait que Paul Charmillot ne trouve pas les produits qu’il cherche en faisant ses courses alimentaires sur Internet. Il souhaite bien manger mais il n’a pas le temps de sillonner le canton pour aller remplir son frigo chez les producteurs. Les artisans sont emballés par l’idée et la société compte une quarantaine de fournisseurs réputés. Le nerf de la guerre de l’économie numérique c’est la livraison. Magic Tomato, qui opère de Genève à Nyon, compte plus d’un millier de clients inscrits. La société au business model basé sur une approche durable limite les emballages et le gaspillage. Les petites structures sont plus flexibles que les grands groupes et, avec un service haut de gamme, elles peuvent s’adapter rapidement aux demandes des clients. Il y a une place pour les acteurs locaux qui connaissent les besoins des consommateurs. Les générations qui vont consommer ces prochaines années sont habituées aux smartphones, à Internet et aux achats en ligne. La révolution des courses ne fait donc que commencer.

Résumé Luigino Canal

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